FEFFS 2023

Films vus au Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg en septembre 2023

L’Exorciste selon William Friedkin

de Alexandre O. Philippe
En 2023, 50 ans après sa sortie, L’Exorciste reste pour certains le plus grand film d’horreur alors que William Friedkin vient de quitter le monde des vivants. Ce documentaire datant de 2019 permet de replonger dans la genèse du film et dans le processus créatif très instinctif du réalisateur, qui se livre comme jamais sur son chef-d’œuvre. Passionnant et très instructif, il permet de comprendre pourquoi il garde encore une telle aura, tout en conservant une part de mystères impénétrables, même pour Friedkin lui-même.
 
 

In Flames

de Zarrar Kahn
Film pakistanais déjà programmé à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes cette année, In Flames propose une horreur sociale ancrée dans la dure réalité des femmes sujettes au patriarcat et au manque de liberté. A la mort de son père, Mariam doit parvenir à soutenir sa mère face à ses problèmes financiers tout en assurant ses études de médecine. La rencontre avec un garçon et le drame qui va advenir vont faire resurgir les fantômes du passé et livrer des secrets bien enfouis. Une œuvre élégante qui quitte régulièrement un réalisme très prégnant, mais peut-être pas suffisamment pour contenter l’amateur de fantastique.
 
 

Monolith

de Matthew Vesely
Monolith suit le quotidien d’une journaliste à l’origine d’un podcast pour lequel elle enquête sur de mystérieuses briques noires, entrées dans la vie de plusieurs personnes à travers le monde depuis des années. Au fil des jours, au fur et à mesure de ses interviews, ces recherches se transforment en obsession. Une histoire qui traîne d’abord en longueur avant d’être plutôt bien menée et de proposer des idées intéressantes. La réalisation est un peu quelconque pour nous laisser un souvenir impérissable.
 
 

Superposition

de Karoline Lyngbye
Un couple et leur enfant décident de tenter une expérience insolite: quitter la ville et son stress pour venir s’isoler en pleine nature pendant un an. Lui est podcasteur et souhaite immortaliser leurs échanges au fil des semaines et les partager à son auditoire. Elle est écrivain et compte sur le calme des lieux pour retrouver l’inspiration dans l’écriture de son nouveau roman. Couple en difficulté relationnelle, ils vont tenter de se retrouver. Ils vont effectivement se retrouver… face à eux-mêmes, d’une manière totalement insolite. Un film danois très bien mené, qui évite certains écueils et se permet des audaces bienvenues.
 
 

Falling Stars

de Gabriel Bienczycki et Richard Karpala
Dans une région située non loin du parc de Joshua Tree, à la fin octobre, les sorcières viennent faire leur moisson, surgissant du ciel comme des étoiles filantes. Elles emportent avec elles des êtres humains trop aventureux, pourtant prévenus par le gouvernement des risques encourus. Falling Stars suit le destin de trois frères, attirés plus que de raison par ces mystérieuses créatures. Le film est avant tout une histoire de personnages, dont le destin va basculer suite à un mauvais choix. Jouant habilement avec la suggestion et les émotions, il nous emporte sur les routes de la fatalité sans renier son propos fantastique.
 
 

La Mort en direct

de Bertrand Tavernier
Sorti en 1980, La Mort en direct, malgré une esthétique légèrement datée (les ordinateurs, la vidéo), conserve un propos ô combien actuel. Un femme écrivain à succès (Romy Schneider) utilise une intelligence artificielle pour se renouveler et garantir le succès de ses ouvrages à l’eau de rose. Lorsque son médecin lui annonce qu’elle est atteinte d’une maladie incurable et qu’il lui reste moins de deux mois à vivre, l’émission « Death Watch » lui propose de filmer ses derniers instants pour les partager au grand public. Après un premier refus, elle accepte finalement pour laisser de l’argent à son mari. Mais elle s’enfuit et sans le savoir, elle sera filmée par un homme rencontré « par hasard », possédant une caméra greffée dans l’oeil (Harvey Keitel). Tragique à souhait, le film précède de peu la mort du fils de la comédienne qui apparait rapidement dans une scène, et de l’actrice elle-même, deux ans plus tard…
 
 

Mad Fate

de Soi Cheang
Un maître de Feng shui raté se dit capable de changer le destin de personnes malchanceuses ou condamnées à commettre des actes terribles. Il se retrouve embarqué dans une affaire de crimes perpétrés par un psychopathe, accompagné d’un livreur attiré par le sang. Soi Chang nous offre une variation totalement opposée de celle de Limbo, son précédent film au noir et blanc poisseux, jouant la carte de l’humour et de la folie avec une galerie de personnages haut en couleurs. Un peu usant sur la longueur mais suffisamment surprenant pour nous combler.
 
 

Universal Theory

de Timm Kröger
Au début des années 1960, dans les Alpes suisses, un congrès de physique a lieu et réunit les plus grands spécialistes venus pour l’occasion. Johannes, jeune étudiant, vient pour y présenter sa thèse, accompagné de son professeur qui semble loin d’être convaincu par ses recherches. Johannes va être confronté à une série de phénomènes troublants, comme la rencontre avec une jeune pianiste semblant connaître sa vie ou l’apparition de nuages étranges. Magnifiquement filmé en noir et blanc, Universal Theory est un voyage véritablement dépaysant dans le temps et dans l’esprit humain. Il déroute autant qu’il fascine à ouvrir des portes sans en livrer beaucoup de clés. Escroquerie ou grande œuvre, le film a le mérite de laisser chacun l’interpréter comme il le ressent, et c’est suffisamment rare au cinéma pour le juger trop vite.
 
 

Kim’s Video

de David Redmon et Ashley Sabin
Kim’s Video, petite chaîne de magasins de location de VHS et DVD célèbre à New-York, a été un lieu culte jusqu’au début des années 2000. Le documentaire éponyme démarre de manière classique, comme une envie de se remémorer ce temple de la cinéphilie très à la mode en son temps (les frères Coen y ont laissé un ardoise), comme un devoir de mémoire. Mais le film prend une tournure inattendue, digne d’un polar bien ficelé totalement loufoque, où l’on apprend qu’à la fermeture des magasins suite à l’avènement d’internet, le stock de 55000 films a été offert à une ville perdue en Sicile souhaitant honorer cette collection et la promouvoir… Un premier voyage sur l’île est organisé, lors duquel les réalisateurs rencontrent la police et quelques figures locales. D’abord, c’est le désenchantement de découvrir les vidéos laissées à l’abandon dans un entrepôt humide, puis une histoire de mafia vient pimenter la situation. Il en résulte une histoire incroyable où tout va être entrepris pour essayer de sauver la collection de Yong-man Kim.
 
 

Perpetrator

de Jennifer Reeder
Plusieurs jeunes filles fréquentant le même lycée disparaissent de manière inquiétante sans qu’on trouve la trace d’un ravisseur quelconque. Nouvelle dans l’établissement, Jonquil’ va mener l’enquête à sa manière, aidée par ses nouvelles amies. Venue vivre chez sa tante, elle est en proie à une inexplicable transformation physique qui voit son visage changer bizarrement d’apparence. Elle va peu à peu comprendre des choses la concernant et se retrouver face au danger. Perpetrator initie de belles intentions mais se perd à vouloir toucher du doigt plusieurs genres sans parvenir à s’affirmer.
 
 

Restore Point

de Robert Hloz
Dans un futur proche, les personnes décédées de manière violente peuvent être ramenées à la vie, à condition que la sauvegarde de leur cerveau ait été effectuée dans les 48 heures précédentes. Derrière cette prouesse, une société toute puissante. Un couple retrouvé mort va faire l’objet d’une enquête intensive par la police lorsqu’elle découvrira l’identité de l’homme assassiné et qu’aucune de ses sauvegardes n’a été retrouvée. Restore Point signe le retour de la science-fiction tchèque. Très imprégné de l’esthétique américaine, le film regorge d’idées intéressantes et d’un scénario solide, mais force un peu sur les effets spéciaux qui ne servent pas vraiment l’histoire et perdent un peu l’amateur de science-fiction sobre.
 
 

A l’intérieur

de Vasilis Katsoupis
Nemo, un cambrioleur spécialisé dans le vol d’œuvres d’art, est engagé pour dérober trois tableaux d’Egon Schiele dans un appartement new-yorkais ultra luxueux. En contact avec son complice qui le guide dans son exploration, il est confronté à une anomalie du système domotique et devient prisonnier des lieux. Désormais seul et dans l’impossibilité de trouver une issue quelconque, il va devoir survivre dans ce monde où il n’aura aucun moyen de communiquer avec l’extérieur. Pour son premier long-métrage de fiction, le réalisateur grec Vasilis Katsoupis choisit l’exercice du huis-clos et le réussit avec brio. Willem Dafoe, à qui il offre un premier rôle (ce qui est rare malgré sa longue carrière), nous gratifie d’une prestation admirable. Son personnage va errer durant des semaines comme un poisson dans un bocal. Malgré la modernité débordante des lieux, il va être sujet au dérèglement climatique, au manque de nourriture et d’eau, mais aussi à une créativité retrouvée, qui lui permettra de garder espoir et de survivre. Une métaphore subtile de notre monde qui place l’être humain au cœur de ses qualités et face ses contradictions.
 
 

Conann

de Bertrand Mandico
Oubliez Arnold Schwarzenegger, oubliez les corps masculins, et plongez dans un univers totalement alternatif dans lequel Conann serait une femme, ou plutôt des femmes. Dans cette version de Bertrand Mandico, Conann grandit elle aussi dans la violence extrême et la quête de vengeance de sa pire ennemie. A travers les âges, elle se forge une image de plus en plus déterminée et construit son propre mythe, l’incarnation ultime de la barbarie. Le réalisateur, dont les œuvres ne laissent pas indifférent, ose s’attaquer au personnage de Robert Ervin Howard sans lui ôter de sa substance. Certains crieront au scandale. Les autres se laisseront happer par l’audacieux affront. Mandico poursuit sa filmographie qui s’affirme à grands coups de kitsch assumé, de messages naïvement profonds, mélangeant les genres cinématographiques comme les genres humains, entraînant dans son odyssée des acteurs dévoués corps et âme. Tel un artisan, il renoue avec un cinéma d’un autre temps, créant des images où la poésie, la magie et le théatre s’invitent. Un cinéma certes déconcertant mais totalement sincère.