Films sortis en 2025
Watch in progress
Nous sommes loin de pouvoir tout voir, et d’avoir tout vu, mais voilà les films de 2025 visionnés par notre équipe sur les écrans de cinéma (et parfois de télévision) et que nous avons envie de partager avec vous, ou pas.
Je suis toujours là
Rio de Janeiro au début des années 1970. En bordure de mer, la famille Paiva mène une existence privilégiée. Dans leur maison accueillante, ils partagent avec leurs enfants et leurs amis des moments de joie, de jeux, d’échanges autant culturels que politiques. La caméra immortalise ces instants de bonheur communicatif, presque trop beaux pour être vrais, rythmés par la musique du Brésil et d’ailleurs. L’harmonie qui s’en dégage semble inébranlable. En toile de fond, on entend parler d’enlèvements de personnalités politiques, puis relâchées après quelques jours. L’armée effectue des contrôles d’identité avec une brutalité non dissimulée auprès de la population. Lorsque Rubens, le père de famille, puis sa femme Eunice et une de leur fille sont cherchés à leur domicile pour être interrogés sur de supposés rapports avec des terroristes, leur vie va basculer à jamais. Rubens ne reviendra jamais dans sa famille… Walter Salles adapte le livre Ainda estou aqui de Marcelo Paiva, biographie de sa mère devenue avocate et militante. Dans sa jeunesse, le réalisateur a réellement côtoyé la famille Paiva et vécu cette douloureuse page sombre de son pays, contrôlé par une dictature militaire dont on a peine à se souvenir. Ce sont pourtant de nombreux enlèvements, des tortures et assassinats qui résultent du pouvoir en place, libre d’arrêter et de séquestrer qui bon lui semblait. Walter Salles livre Je suis toujours là tel un témoin, captant des instants d’une humanité rare, autant dans l’euphorie que dans la douleur, alternant entre caméra de cinéma et super 8. Une œuvre où l’ensemble des comédiens impriment la pellicule avec une justesse rare, portés par la même volonté de ne jamais oublier. Sorti le 15 janvier 2025
Babygirl
Comment aborder en 2025 un sujet aussi bancal que la domination masculine d’un jeune stagiaire sur la patronne d’une très grande entreprise. Si le pitch ressemble à un sexy movie des années 1990, de Basic Instinct à Harcèlement, la réalisatrice néerlandaise Halina Reijn aborde le sujet à bras-le-corps sans sourciller et parvient, toujours sur un équilibre instable et douteux, à dévoiler peu à peu ses intentions. A travers des personnages très caricaturaux, le couple idyllique incarné par Nicole Kidman et Antonio Banderas en tête (deux sex-symbols du cinéma), la réalisatrice va s’amuser à faire exploser un à un certains des fondements de la société idéale qu’on nous inculque : réussite, perfection, harmonie familiale. Toutes ces façades vont se montrer extrêmement fragiles lorsque Samuel (Harris Dickinson) s’emploiera à semer le trouble chez Romy, incarnation du rêve américain, reine dans sa tour d’ivoire, incapable de résister au charme pervers du jeune homme. Celui-ci, révélateur d’une hypocrisie généralisée, autant professionnelle que personnelle, va pousser tous ces individus lisses qui l’entourent à exprimer tout haut leurs pensées les plus enfouies, les plus indicibles, et leur permettre enfin d’être honnêtes les uns envers les autres. Tel un réseau social qui délierait toutes les langues, Samuel va briser les questions de hiérarchie sociale, de consentement, de relation et replacer tout ce petit monde au même niveau, celui de l’être humain presque primitif, animal. Babygirl n’est ni masculiniste, ni féministe. Bien au contraire. Sorti le 15 janvier 2025
Wolf Man
Après Invisible Man, Leigh Whannell s’attaque à la relecture d’une autre célèbre figure de la firme Universal, le loup-garou. L’auteur, avec James Wan, de sagas célèbres comme Saw ou Insidious, a prouvé à maintes reprises ses talents de conteur et sa capacité à s’inscrire dans une horreur moderne. Dans son introduction, nous découvrons le jeune Blake et son père chassant dans une splendide forêt de l’Oregon. Ils sont pris à partie par un animal qu’ils ne feront qu’entrevoir. La légende dit qu’un randonneur aurait attrapé une sorte de virus et hanterait les environs. Bien des années plus tard, Blake est désormais papa d’une adolescente, mais son couple bat de l’aile. A l’annonce du décès de son père, qu’il n’avait pas vu depuis des années, il convainc sa femme d’aller passer tous les trois quelques jours dans sa maison d’enfance. A peine arrivés, une créature les attaque et les prend en chasse. Ils parviennent à se réfugier dans la vieille demeure, mais la nuit allait être longue et intensément dangereuse. Les intentions de Whannell sont plutôt louables. En situant son film dans un contexte familial, les thématiques qui en ressortent sont autant de chemins à emprunter pouvant donner lieu à un développement intéressant de son histoire : la filiation, les violences intra familiales, la nature des individus, l’homme face à l’animal et à la nature, la notion de territoire… Il est regrettable qu’aucune ne soit vraiment exploitée en profondeur. Wolf Man se dévoile de manière trop linéaire, se contentant d’alterner les scènes de terreur et d’émotion sans parvenir à créer une réelle empathie (malheureusement, la jeune actrice qui joue leur fille n’est hélas pas très crédible dans son jeu face à l’intensité de Christopher Abbott, autant à l’aise dans l’animalité que dans la douceur). Il en résulte un spectacle classique honorable, dont le travail d’écriture un poil paresseux, ou trop appuyé par moments, ne permet pas de se singulariser. Sorti le 15 janvier 2025
Le Dossier Maldoror
Belgique, 1995. Un jeune gendarme cherche à résoudre une enquête de disparition de deux jeunes filles dans son secteur. Guidé par une intuition persistante, il outrepasse certaines règles, dépité par le manque de réactivité de son supérieur et par la rivalité entre polices et gendarmerie, en pleines restructurations alors. Fabrice Du Welz s’attaque à l’affaire Dutroux du point de vue d’un homme obstiné par la justice, seul face à un système étatique corrompu. Il évite d’en faire un thriller et dresse un portrait de son pays en ces années sombres, traumatisé par cette affaire criminelle et déchiré à jamais. La Belgique ressemble par moment à un champ de ruines, paysage industriel en désolation. Mais dans toute cette noirceur, il n’oublie d’y mettre de la lumière, à travers le couple formé par le gendarme (Anthony Bajon) et sa femme (Alba Gaia Bellugi déjà vue dans Inexorable). Leur union si pure, à l’instar du pays dans lequel ils vivent, ne sortira pas indemne de ce voyage au bout de l’enfer. Du Welz livre sans doute son film le plus ambitieux, dans une structure (et une durée) qui rappelle le film de Cimino. Un monde dans lequel un enfant naît, sans le savoir, entouré de monstres en puissance, il est difficile de croire à un avenir meilleur, même lorsque l’amour nous entoure. Le Dossier Maldoror voudrait pouvoir changer l’Histoire, mais la réalité restera toujours plus forte que la fiction. Sorti le 15 janvier 2025
La Chambre d’à côté
Un nouveau duo de femmes est mis à l’honneur par Almodovar dans ce film tout en délicatesse qu’il a tourné aux Etats-Unis en langue anglaise. Julianne Moore et Tilda Swinton, présentes sur une affiche qui rappelle étrangement celle de Julieta (sorti il y a près de 10 ans), incarnent Ingrid et Martha, deux amies et anciennes collègues journalistes d’un même journal qui s’étaient perdues de vue pour des raisons que l’on connaît tous : le travail et le temps. Le hasard d’une discussion va les réunir à nouveau et malgré la maladie qui menace d’emporter Martha dans les semaines à venir, elles vont toutes deux se retrouver plus que jamais et partager des instants extrêmement forts. Leurs échanges porteront sur la mort bien sûr, sur la maternité, sur les hommes aussi. Ces derniers ne s’en sortent pas glorieux, John Turturro étant un digne représentant du pauvre type contemporain irrécupérable. C’est peut-être un des seuls défauts de La Chambre d’à côté, celui de n’accorder que peu de relief aux hommes, écrasés par des personnages féminins bien trop complexes pour qu’ils puissent exister à leurs côtés. Mais c’est un parti pris légitime, dans lequel Almodovar conforte un peu plus son attrait pour les rôles de femmes, de mères, de filles, tellement plus intéressantes à écrire ou à filmer. Sorti le 8 janvier 2025